ÓÇÍÈÊÈ ÑÍΠ ÑÒÐÀÍÅ ÃÓËÀÃÀ [«Ñíû» Èâàíà Âûðûïàåâà â Ïàðèæå]
«Les Rêves» : Prisonniers des rêves au pays du goulag. Les songes de cinq jeunes Russes à la Cité internationale
Le Monde (15-12-2002)

Un coin de préau, sombre, presque noir. De gros sacs-poubelle par terre, noirs, ici et là. Entrent trois filles et deux garçons. Combinaisons noires sur quoi ils ont enfilé qui une chemise, qui un pull. Des sacs ils tirent une liasse de papiers, un petit xylophone, un bocal… Ils se couchent par terre. Ils dorment. Rêvent peut-être.
Tout à coup une musique, genre Fellini-Chaplin, mais beaucoup plus violente, presque marche militaire. D'un bond tous se lèvent, et courent en tout sens, comme un jeu, gendarmes et voleurs, chat perché, ces jeux-là. Tout cela très violent. La musique cesse : tous se recouchent. Alternances de musique-sauts et de sommeils-rêves. Bientôt ils vont raconter leurs rêves. Cinq chapitres.

Un : «La Beauté». «La beauté a des yeux et un nez comme un petit garçon. Sans beauté qu'est-ce que tu veux faire. La beauté n'a pas de domicile fixe et elle connaît l'ennui.» Deux : «La Libération». «Il faut savoir se libérer sans effort de tout ce qui te plaît.» Trois : “L'Amour”. «L'Amour rend tout pareil. Quand tu dors, c'est l'Amour, c'est quand tu aimes un premier, un second, un troisième et tu ne peux plus t'arrêter.» Quatre : “Dieu”. «Dieu est ici, Dieu c'est moi, c'est vous. Dieu c'est le sang, chrétien, juif, bouddhiste, l'un a son Dieu rhésus positif, l'autre négatif». Cinq : “Le Nirvana“."Le Nirvana c'est quand tu ne dors pas alors que tu as l'impression de dormir."Six : „L'Enfer”. «Pas une âme, pas un ?il. Tous accrochés les uns aux autres. Tous là. Tu mourras et tu ne sauras pas si tu es mort ou pas car rien de neuf. Rien de neuf, rien…»

Les récits des rêves alternent soit avec des endormissements, tous couchés par terre, soit avec des déchaînements de cris, de danses. L'auteur et metteur en scène, Ivan Viripaev, a laissé entendre que ces cinq rêveurs sont des toxicomanes. Ce n'est pas à cela que l'on pense. Mais on pense qu'ils sont prisonniers, tout de même, de quelque chose. La porte tracée à la craie blanche ne s'ouvrira pas. Ivan Viripaev, 28 ans, nous vient de Sibérie, du Théâtre dramatique de Magadan, en pleine zone d'ex-goulag.

Il n'y a pas de décor : juste ces parois noires. Les acteurs, qu'ils rêvent ou qu'ils dansent, se donnent de tout leur c?ur. Ils sont libres. Ils sont fous. Ils jouent.

Michel Cournot

Les Rêves, texte et mise en scène d'Ivan Viripaev. Théâtre de la Cité internationale, 21, bd Jourdan, Paris-14e. Tél. : 01—43—13—50—50. RER : Cité-Universitaire. Jusqu'au 17 décembre.

? ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 15.12.02


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